Détention provisoire et Covid-19 : la prolongation de plein droit censurée
Pénal - Pénal
29/01/2021
Les Sages ont tranché : les dispositions de l’ordonnance du 25 mars 2020 maintenant de plein droit des personnes en détention provisoire sans que l’appréciation de la nécessité du maintien ne soit soumise, à bref délai, au juge judiciaire, sont contraires à la Constitution.
Une QPC a été posée à propos de l’article 16 de l’ordonnance du 25 mars 2020. Ce dernier prévoyait les prolongations des détentions provisoires de plein droit de deux mois lorsque la peine d’emprisonnement encourue est inférieure ou égale à 5 mois, trois mois dans les autres cas et six mois en matière criminelle et en matière correctionnelle, pour l’audiencement des affaires devant la cour d’appel (Ord. n° 2020-303, 25 mars 2020, JO 26 mars ; v. Covid-19 : ce que prévoit l’ordonnance adaptant la procédure pénale, Actualités du droit, 26 mars 2020).
Il est reproché à ces dispositions de méconnaître l’article 66 de la Constitution notamment en ce qu’elles prolongent, « sans intervention systématique d'un juge dans un bref délai, toutes les détentions provisoires venant à expiration pendant la période d'état d'urgence sanitaire alors qu'une telle mesure ne serait ni nécessaire ni proportionnée à l'objectif poursuivi de protection de la santé publique ».
Le Conseil constitutionnel rappelle, en effet, qu’aux termes de l’article 66 de la Constitution « nul ne peut être arbitrairement détenu. L'autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, assure le respect de ce principe dans les conditions prévues par la loi ». Les atteintes portées doivent être adaptées, nécessaires et proportionnées aux objectifs poursuivis.
Objectif de ces mesures dérogatoires : « éviter que les difficultés de fonctionnement de la justice provoquées par les mesures d'urgence sanitaire prises pour lutter contre la propagation de l'épidémie de covid-19 conduisent à la libération de personnes placées en détention provisoire, avant que l'instruction puisse être achevée ou une audience de jugement organisée ». Elles respectent ainsi le principe de sauvegarde de l’ordre public et de recherche des auteurs d’infractions.
Néanmoins, le Conseil note que :
- les dispositions maintiennent en détention de manière automatique toutes les personnes dont la détention provisoire devait s’achever parce qu’elle « avait atteint sa ruée maximale ou que son éventuelle prolongation nécessitait une nouvelle décision du juge » ;
- elles sont prolongées pour deux ou trois mois en matière correctionnelle et six mois en matière criminelle ;
- elles n’organisent, durant la période de maintien en détention qu’elles instaurent, aucune intervention systématique du juge et le nouvel article 16-1 ne prévoit de soumettre au juge judiciaire, dans un délai de trois mois, que les seules détentions provisoires prolongées de six mois.
Conclusion : « Les dispositions contestées maintiennent donc de plein droit des personnes en détention provisoire sans que l'appréciation de la nécessité de ce maintien soit obligatoirement soumise, à bref délai, au contrôle du juge judiciaire ». Or l’objectif poursuivi ne permet pas de justifier que l’appréciation de la nécessité du maintien en détention soit soustraite au contrôle systématique du juge durant de tels délais. « Au demeurant, l'intervention du juge judiciaire pouvait, le cas échéant, faire l'objet d'aménagements procéduraux ».
Les dispositions doivent donc être déclarées contraires à la Constitution. Précision : ces mesures, plus applicables, ne peuvent être contestées sur le fondement de cette inconstitutionnalité.
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